MAAAR - Erwan Larzul

     

       MAAAR

   MAR, pour la rumeur océane qui relie peuples et continents, MAAR, pour le lac au creux du cratère, métaphore élémentaire mêlant l’eau et le feu, l’eau qui bout, le feu qui dort, MAAAR, trois voyelles pour trois voix, Elsa, Charlotte, Rebecca, l’histoire d’une rencontre fluide et explosive sur les chemins de la musique. Une rencontre qui prit forme vers quatre heures du matin, à Notre Dame des Landes, sur la scène de la nuit du Chant, quand la Bretonne, l’Occitane et la Vénézulienne improvisèrent leur premier concert, beau et simple comme une évidence, à la fois pour chacune d’elles et le public assemblé.

      Pourtant d’une certaine manière, sur un autre plan, par les chemins que les trois artistes voyageuses avaient déjà parcouru entre la Bretagne, le Quercy, la péninsule ibérique, l’Amérique du Sud et l’Océan indien, par les sentiers visibles et invisibles, pèlerinages tracés par leur insatiable curiosité pour les chants et les cultures de l’autre, leurs routes s’étaient déjà croisées bien avant. C’est donc naturellement — fascination réciproque pour leurs chants, leurs singularités et l’humanité en accord — aimantées aussi par leur goût commun pour les traditions musicales, savantes ou populaires, né enfin d’une irrépressible envie de chanter ensemble, que le trio s’est formé.

      Un trio constitué d’Elsa Corre, chanteuse bretonne portée très tôt vers les musiques du monde et dont la voix claire et directe a trouvé, dans le chant galicien, lors d’un voyage, une résonance à son image ; de Charlotte Espieussas, accordéoniste et chanteuse, comme ses grands-parents qui jouaient dans les bals du Quercy, voyageuse-amoureuse des musiques à danser et créolisées  ; de Rebecca Roger Cruz, musicienne et chanteuse vénézuelienne dont le tempérament de feu, l’imparable sens du rythme et la voix caméléon ne craignent aucun registre, du traditionnel pur aux musiques savantes jusqu’au chant lyrique.

      Un trio, une triade plutôt, atypique, frontale, percussive. Détournant en effet les canons du trio féminin, les attendus d’une formation polyphonique, les timbres et personnalités très marquées des trois chanteuses s’ajustent sur le fil pour tisser en plusieurs langues, sur plusieurs rythmes, une étrange matière sonore.

      Une matière virtuose mêlant les textures, tour à tour rugueuses, douces, délicates, voluptueuses, sur des arrangements de nappes, de bourdons, d’unissons, d’ostinatos qui confinent parfois à la transe.

      Une matière, un répertoire nourri des terroirs et parcours de chacune, des liens qu’elles y nouèrent, des dons qu’elles y reçurent — de femmes le plus souvent, car nombre de chants profanes se transmettent de mère en fille — manières de chant et pratiques instrumentales, expressions d’un courage du quotidien, invocations aux puissances élémentaires, à la nature, appels à la danse et à la fête.

      Car le rythme est ici partout, porté par l’accordéon et tout un arsenal de percussions surgies d’ailleurs : bombo, tambour basque, mâchoire d’âne, tun tun, kayamba, pandeireta, bendir, quitiplas, maracas, guasa, coquillages, caja caixa, quijadas… quand ce ne sont pas les pieds et les mains qui martèlent, pour nous ancrer en terre et cheviller l’âme au corps, une bonne fois pour toutes.

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